
Entre le 12 et le 14 Octobre se sont déroulées, partout dans le monde, les Journées Particulières du groupe LVMH. Après vous avoir déjà parlé des coulisses des maisons BVLGARI et FENDI que j’avais visité à Rome (l’article est ici), retour sur une journée parisienne à la découverte de trois grandes autres maisons du groupe : Berluti, Dior et Louis Vuitton.
Berluti _
J’ai commencé la journée à l’atelier Sur Mesure Soulier de la Maison Berluti, rue Marbeuf. Berluti est une maison française d’origine italienne fondée en 1895. Initialement, cette maison ne faisait que des souliers sur mesure (ici on ne parle pas de chaussures mais bien de souliers), avant de passer au prêt-à-chausser en 1960 puis au prêt-à-porter à 2011. Elle est donc aujourd’hui l’une des seules à proposer du sur mesure de la tête aux pieds !
Sur place, je rencontre, avec l’ensemble du groupe qui avait réservé sa visite sur le site LVMH, l’un des quatre maitres bottiers de la marque. Se déplaçant de boutique en boutique à la rencontre des clients, les quatre maitres bottiers se partagent le monde par région. C’est cette implication qui fait que chaque paire de souliers est le fruit d’une étroite collaboration entre l’artisan et le client. Il faut savoir que pour ce travail entièrement réalisé à la main, il faut compter environ neuf mois de travail et sept-cents gestes différents !
Il y a quatre grandes étapes dans la réalisation d’un soulier :
- La prise de mesure _
Cette première étape se déroule en boutique où le projet est discuté entre le bottier et le client. L’artisan réalise alors le tour du pied du client au crayon en prenant quelques mesures précises qui lui permettront de reproduire la forme exacte de son pied. Ensuite, pour avoir une image précise des appuis, il fait une empreinte montrant la répartition du poids du corps. Toutes ces informations sont extrêmement importantes : un soulier sur mesure se doit d’épouser la forme du pied tout en proposant un maintien totalement adapté pour un confort inégalé.
- Le montage de la tige _
Une fois de retour à Paris, l’artisan réalise l’ébauche, c’est à dire la forme sur laquelle sera construit le soulier. C’est une copie conforme du pied du client. Évidemment on crée une ébauche pour chaque pied. Afin de construire cette forme, le bottier utilise du bois de charme, un bois très dur et dense qui ne bougera pas au contact du cuir et qui résistera aux clous que l’on pourrait y planter.

Une fois cette ébauche construite, on peut passer à la réalisation de la tige, à savoir le dessus du soulier. Pour créer le patron, on recouvre l’ébauche de papier adhésif sur lequel on dessine les empiècements du soulier. On obtient une forme à plat à partir de laquelle on peut découper les empiècements de cuir.
Après cette étape, qui prend environ trois mois, on obtient un premier prototype qui pourra être présenté au client afin de faire les derniers ajustements avant la livraison de la commande.

- Montage du soulier _
Pour monter le soulier final, on cloue la tige à l’ébauche afin de pouvoir coudre les différentes parties entre elles. En effet, en étant clouées, les pièces de cuir sont tendues telles qu’elles doivent l’être lors du rendu final. Les souliers Berluti sont entièrement composés de cuir c’est pourquoi ils sont cousus entièrement à la main. Une partie en liège est ajoutée au niveau de la semelle pour apporter plus de confort.

- Patine et finition _
Après une dizaine de jours, le soulier a séché et le cuir a pris sa forme définitive : on peut alors retirer l’ébauche. C’est à ce moment que l’on crée l’embauchoir sur mesure en hêtre qui sera également livré au client. On applique ensuite une patine sur le cuir pour lui donner sa couleur définitive et si spécifique à la maison Berluti. La paire sera livrée dans une boite en cuir patiné, le même que celui utilisé pour la confection des souliers.

Après cette première visite incroyable dans les coulisses d’une maison qui a à cœur de former eux-mêmes les artisans de demain qui maintiendront ce savoir-faire, direction une autre maison de prestige, la maison Christian Dior.
Dior _
A quelques pas de la première visite : une adresse mythique, le 30 avenue Montaigne. C’est ici que débuta la légende de Christian Dior. Après avoir travaillé comme galeriste puis comme illustrateur de mode, Christian Dior rencontre Marcel Boussac en 1945. Cette rencontre décisive lui permettra, à l’âge de 41 ans, de créer, en 1946, la maison Christian Dior.
Le 12 février 1947, il présente sa première collection et révolutionne le monde de la mode avec son « New-Look », une silhouette instantanément devenue emblématique de la Maison.
A travers la visite de l’hôtel particulier, j’ai découvert, avec l’ensemble des visiteurs, plusieurs artisans de la maison mais également des pièces du dernier défilé (notamment celles du premier défilé de Kim Jones à la direction artistique masculine). Les quelques pièces présentées, uniques, assimilées à de véritables œuvres d’arts, sont toutes des réinterprétations des codes de l’histoire de la maison, en passant de la toile de Jouy à l’abeille.
S’en suit une présentation du modèle iconique de la maison, l’escarpin J’adior. Pour créer ce soulier, les artisans partent du dessin du styliste avant de reproduire le dessin de manière technique. Ici, il existe un patron pour chaque taille de pied. La réalisation complète d’une paire de J’adior prend environ quatre heures.
Depuis plus de vingt ans, la maison possède d’autres pièces absolument iconiques, comme par exemple le Lady Dior, un sac qui honore la Princesse Diana.
Cette pièce reprend tous les codes de la maison : le cuir canné, appelé cannage Dior, rappellant le cannage des chaises Napoléon III utilisées lors du 1er défilé ainsi que les charms DIOR qui évoquent les gri-gris et la grande superstition de Christian Dior. Très sensible à l’architecture, le créateur a imaginé ce sac tel un bâtiment, chaque ligne est clairement construite et proportionnée, comme par exemple le A qui se forme lorsque l’on tient l’objet de côte. La réalisation d’un sac prend environ une journée et 140 éléments sont nécessaires à son achèvement.
Nous passons ensuite à l’atelier qui s’occupe des chapeaux. Christian Dior ayant commencé par dessiner des couvre-chefs, il était important pour lui que la maison intègre directement un atelier à ses studios. Ici on travaille le feutre que l’on vient mouiller puis steamer avant de le mouler sur des pièces en bois. Une fois sec, la matière ne bougera plus !
La visite des savoirs-faire Dior ne s’arrête pas là : l’atelier de flou, de broderie, de couture enfant, de joaillerie ou encore de parfumerie permettent également de prendre toute la mesure du travail accomplit au sein des ateliers magiques de cette maison !

Louis Vuitton _
La dernière étape de cette journée plus que particulière est l’atelier Louis Vuitton, à Asnières. En plus d’être l’atelier historique de la maison, ce fut aussi le lieu de résidence de la famille Vuitton à partir de 1859. Aujourd’hui, l’atelier d’Asnières est spécialisé dans les cuirs exotiques et dans la fabrication de malles.

En arrivant on commence par une présentation de la réalisation du sac Twist. Plusieurs artisans effectuent les gestes devant nous, de la coloration jusqu’à la couture. Une des garanties de qualité de Louis Vuitton est la sensation que l’on a lorsque l’on touche un sac. Pour concevoir un tel sac, il faut 70 pièces différentes et effectuer environ 300 opérations.
Dans cet atelier, tous les artisans sont polyvalents et les meilleurs d’entre eux peuvent créer un sac du début à la fin.
Avant de sortir de l’atelier, chaque sac passe par un contrôle de qualité final pour vérifier que la pièce respecte bien le cahier des charges : teinture homogène, coutures bien réalisées et raccords impeccables.
Nous passons ensuite à la fabrication des malles Vuitton qui ont fait la renommée de la Maison. La première étape se passe en boutique : le client vient passer commander. On monte alors un dossier qui sera envoyé à la menuiserie d’Asnières où les artisans monteront le fût (l’extérieur) puis la carcasse (l’intérieur) de la malle avec les tiroirs et les rangements. Les parties larges sont faites en contreplaqué de peuplier et d’okoumé tandis que l’intérieur est uniquement réalisé en peuplier. Dans la découpe du bois, les menuisiers doivent prendre en compte le rendu final et donc penser à l’épaisseur du cuir, de l’habillage.

Après avoir monté les pièces de bois, elles sont collées entre elle avec du coton. La création de cette charnière s’appelle le nervurage. On passe ensuite à l’entoilage : c’est à ce moment que l’on colle à l’eau la toile iconique Louis Vuitton sur le bois. Les symboles sur la toile sont toujours symétriques et alignés quand la boite où la malle est ouverte : c’est une des garanties que l’on se trouve bien en présence d’une vraie pièce de la maison.
L’étape suivante est l’usinage et le ferrage : on protège les arrêtes du produit avec de la lozine qui est fixée à l’aide de pointes aplaties de l’autre côté de la malle. On pose ensuite des coins en métal ou en cuir ainsi que des équerres. Vient ensuite le moment d’ajouter la serrure et les attachots afin de garder une ouverture à 90 degrés.
Pour faire perdurer ce savoir-faire, la Maison Louis Vuitton a ouvert en 2010 une école des savoirs-faire et offre une formation interne sous la forme d’un compagnonnage. Cela représente en 2018 plus de 45 tuteurs sur 16 ateliers et près de 16 000 heures de formation !

La visite se termine par un tour dans la demeure familiale où nous apprenons que le célèbre monogramme n’a pas été inventé par Louis Vuitton mais par son fils qui l’a créé pour lui rendre hommage.
Un musée, retracant l’histoire de cette maison incroyable qui a su se réinventer sans cesse tout en gardant l’âme qui a fait d’elle une maison hors du temps, termine cette visite déjà bien complète.
Ainsi s’achève cette journée particulière qui j’espère vous aura à vous aussi donné envie de pénétrer, l’année prochaine, les coulisses de ces maisons qui nous font tant rêver. Un petit conseil prenez-y vous à l’avance si vous souhaitez réserver une visite (sur le site des Journées Particulières) mais il y a toujours la possibilité de venir spontanément le jour J, chaque visite est gratuite !